lundi 29 novembre 2010

Deux oeuvres de Jacques Villeglé

42, quai Henri IV (1957) (117x154cm)
Collection particulière
Jacques Villeglé et Pascal Vitali. (Photo: Fabienne Villeglé)






Abandonnant l’atelier de l’artiste solitaire pour la rue, espace ouvert et collectif de création, je cueillais et je collectionnais ses lambeaux agressifs et colorés, antidotes contre la passivité culturelle ambiante, contre l’âpreté grinçante des désespoirs modernes. En dressant un éphéméride,  personnel, documenté, aussi précis que possible, tout en sachant que l’objectivité de mes souvenirs est altérée  par la /ma situation actuelle, mon intention a été de décrire un milieu dont la mentalité dont la mentalité s’est transformée ou a résisté, de rappeler les évènements et les créations qui ont constituées sont décor et celui de mes débuts, de mes souvenirs d’artistes, de personnages que j’ai côtoyés, qui même tombés pour l’heure ou pour toujours dans l’oubli, ont œuvré pour transformer le monde, changer la vie. Ambition qui est resté en général obturé à cause du mur de silence contre lequel ils ont buté. J’étais sceptique quant à l’aboutissement de cette ambition collective, conscient que les puissances d’argent et politique s’affairaient à leurs propres desseins égoïstes et suicidaires, mais j’étais persuadé de son bien-fondé comme de celui de l’œuvre que je réunissais, dont l’une des moindres ambitions était d’introduire par le bariolage lacéré des affiches les rumeurs de la vile dans le confinement des musées. Je me souvenais d’une anecdote de la conférence e Fernand Léger au théâtre Graslin à Nantes en 1936 […], il avait transporté et accroché dans la salle de la cantine des usines Renault une grande toile. Pour voir quel accueil elle obtenait, il était passé à l’heure du déjeuner, il s’était assis plein de déconvenue car aucun ouvrier ne la regardait. Alors que ceux-ci quittaient la salle, l’un d’eux, gouailleur, lui lança, tant il avait une gueule désappointée : « oui nous mangeons, nous parlons, sans voir ta barbouille, mais lorsque tu la retireras, nous nous apercevrons qu’elle nous manque ».

Jacques Villeglé, Cheminements 1943/1959, éditions les sept collines, 1999 


Versailles (16 août 1961) (44x55cm)
Collection particulière
A partir de cette époque Jacques Villeglé entreprend de ne travailler qu'avec un matériau constitué d'affiches lacérées. L'œuvre évoluant ainsi en fonction du matériau lui-même