lundi 29 novembre 2010

Pascal Vitali (1923-1997), éléments de biographie

Pascal Vitali est né à Hanoï (Tonkin) en 1923. Il passe sa très jeune enfance dans ce pays ou son père, militaire de carrière, exerce son activité.

Après un retour en France, en Provence, au prieuré de Saint-Pierre, en Avignon, la famille s’installe à Paris en 1932.
Il partage ses études  entre Paris, Nice (Lycée Massena) et Aix en Provence (Faculté de droit).
Il épouse en 1946, Anne-Marie Glaize, dont il a trois enfants, Françoise, Pascal et Marie.

Les mains pleines

Il publie en 1946, un premier roman « Les mains pleines » aux Editions Charlot, salué en particulier par Albert Camus. Celui-ci l’encourage à publier d’autres ouvrages. Pascal Vitali ne poursuit néanmoins pas une carrière littéraire et fait un autodafé de son œuvre écrite.

Le peintre Pascal Vitali, dit Kouloupi

Une partie de l'atelier de la rue Bourdelle
 Il choisit, par goût et conviction de mener une œuvre de peintre, qu’il effectuera tout au long de sa vie, parallèlement à sa carrière de journaliste et analyste financier. Il mène donc en même temps que sa vie professionnelle, une vie retirée de peintre et graveur jusqu’à son dernier jour. Il s’est éteint le 29 septembre 1997 à Paris à son atelier de la rue Antoine Bourdelle.
Ses amis les plus proches sont Raymond Hains et Jacques Villeglé. Il est aussi l'ami de François Dufrêne et de certains  lettristes ou ultra-lettristes, auxquels il rend hommage dans son œuvre.

 Il se lie avec Colette Allendy (de 1946 à 1960) qui expose  les œuvres de divers mouvements, dont celles des «  Nouveaux Réalistes », avec Raymond Hains, Jacques Villeglé, Gérard Deschamps et les premières expositions d’Yves Klein.

Il est aussi proche d’ Iris Clert (de 1956 à 1980) qui  expose Camille Bryen, Laubiès et Asger Jorn. En 1957, elle lui permet de rencontrer Yves Klein . Cette galerie joue un rôle prépondérant, aux côtés de Pierre Restany dans la promotion des « Nouveaux Réalistes ». Ce groupe s’est constitué à Paris et Milan avec Arman, Raymond Hains, Jacques Mahé de La Villeglé, Gérard Deschamps, Martial Raysse, Daniel Spoerri, Jean Tinguely.

Ami et collectionneur de certains de ces artistes, il n’expose pas de son vivant, malgré les demandes des galeries. Il considérait, à cette époque, son œuvre non achevée. A sa mort,  il laisse un testament indiquant que l' œuvre est un tout, laissant toute liberté de la faire connaître.

Vers Lo-Yang, relation de voyage par Kouloupi



 "Dans le Finistère, le port d’embarquement, vers l’ouest, pour la marche vers Lo-Yang."

Préambule


Le bateau descend le fleuve, il emporte les urnes cinéraires


Les dix matrices 
Ici, 5 sur 10 (22x42cm)

"L’ordre dans lequel se présentent les planches de ce récit est indifférent. Toutefois, les dix premières planches doivent être présentées au début tout à  fait mais dans un ordre indifférent", selon l'auteur.





 
Les cent plaques 
 Ici, 5 sur 100 (22x42cm)








"Il est prévu de rassembler ces éléments dans un livre de représentations ou photos de la grandeur même des dessins, en tirage limité."






Sur Kouloupi

« Le Kouloupi tient son nom de son père, méhariste. Il eût aimé que le nom et la mémoire de son père ne périssent jamais, non plus que ceux de sa mère. Il rencontra sa dame à l’âge de huit ans. Elle avait trois mois de plus que lui. Elle portait l’uniforme, de très beau drap, de sa pension religieuse et un béret de marin, le tout bleu foncé. Elle fut sa seule épouse et dame de haute vertu. Il n’a pas fait œuvre du tout. Il s’est seulement livré, certaines fois, à l’exercice du dessin et de la peinture au trait.
Il a dit : «Max, que je n’ai pas connu, qui es mon ami, qui es Jacob, tu as écrit Le cornet à dés . Stéphane, le Mallarmé a dit: « un coup de dés jamais n’abolira le hasard » et James Joyce : « l’as de pique descend l’escalier ». (Propos insérés à la plume dans les planches)

L'inconnu de la montagne, reportage par Kouloupi

« Kouloupi, étant sur la route des Princes d’Orange, prit le chemin de Sainte –Colombe. Il fit quelques centaines de mètres et vint s’asseoir sur la caillasse des premières pentes par lesquelles on accède à la bergerie des "chiquets".


S’étant assuré de la configuration des lieux- en contre bas,  le lit à sec du torrent ; devant, la rencontre des vallées ; à mi-pente, des champs cultivés ;  à l’horizon, les dernières chaînes de montagnes au flanc des quelles, comme des points blancs, s’alignaient trois ou quatre fermes-, il tira de sa poche un carnet semblable à celui d’un chef de chantiers.

Ne considérant rien qui lui fût à cœur ou objet d’une pensée, il traça quarante enchainements, dont le premier est donné, à titre d’exemple, au pied de ce texte. Ces enchainements constituent « L’inconnu de la montagne ».

Il écrivit rapidement, sans hésiter jamais, si bien que sa tâche était terminée avant midi.
De ces enchainements procèdent, au fil du temps, des planches de traits et couleurs, au nombre de quarante également.

Ayant terminé cette tâche, beaucoup plus tard, il voulut classer les planches dans leur ordre originel. Mais, irrémédiablement, la confusion l’emporta, l’ordre premier fut perdu. Et cela ne suffit pas: le chiffre de quarante ne put pas être atteint car quel  que planche avait été perdue. L’inconnu même s’était ainsi dérobé et demeurait, à l’improviste, tel.

« Si, se disait le Kouloupi, je rencontre quelqu’un que je n’ai jamais vu ou dont je n’ai absolument aucun souvenir, je dis : son visage m’est inconnu, qu’en est-il ? Vraiment,  je ne puis dire, l’ayant face à moi que je ne le vois pas, que je ne le connais donc pas. Alors, je réfléchis, je dis : je m’exprime mal ; je dois déclarer : je ne me souviens pas avoir jamais rencontré ce visage, qui est devant mes yeux maintenant et qui m’est maintenant connu, et non pas  inconnu.
Si je n’ai pas le souvenir de ce que j’ai maintenant sous les yeux, je ne puis donc dire que je suis face à l’inconnu, à moins que je n’admette un droit à l’existence de l’inconnu lui- même en tant que tel. Mais si je reconnais ce droit, je le reconnais pour ce que conserve ma mémoire et dont je me souviens. » (Texte inséré à la plume dans l'œuvre)


Enchainement de la série "l'inconnu de la montagne" (10  sur 100)
(52x42 cm, encre et gouache)






















Eléments d’un tombeau. Hommage à François Dufrêne, l’ultra lettriste.

Cet hommage renvoie à celui de François Dufrêne dans son poème "Tombeau de Pierre Larousse" œuvre  de la poésie ultra-lettriste, qui s'affranchit des mots et des lettres.  (www.dufrene.net)


Sur le lettrisme auquel il participa,  Bernard Girard signe en 2010 un ouvrage qui retrace l'histoire de ce mouvement né au lendemain de la guerre, "Lettrisme- L'ultime avant garde"(Bernard Girad, dissonances)

Ici, dix éléments de 25x35cm




















Raymond Hains, Jacques Villeglé et François Dufrêne, amis de toute une vie

Raymond Hains, François Dufrêne, 12 avril 1954 à Paris
(Photo: Jacques Villeglé)
Raymond Hains (Mon Encyclopedie Clartés) arrive en 1945 à l’école des beaux arts de Rennes où il fait une rencontre décisive, celle de Jacques Villeglé (http://www.villegle.fr/)


Il s’installe à Paris en 1946, mais retrouve Villeglé, très souvent tant à Paris qu’en Bretagne.
La première exposition de Raymond Hains a lieu chez Colette Allendy  où il expose ses photographies en 1948. Il y rencontre Pascal Vitali.

Raymond Hains, par goût du graphisme, utilise, à partir de 1950, les verres cannelées pour déformer les noms de ses amis, Goez, Vitali, Villeglé et Bryen et créer ainsi les lettres éclatées ou « ultra lettres ». Hépérile, l’un des poèmes phonétique de Camille Bryen (www.lespressesdureel.com) , éclaté en ultra-lettres en 1953, devient ainsi le "premier poème à délire". Raymond Hains est selon Camille Bryen l'un des deux Christophe Colomb des ultras-lettres (tract annonçant la parution de Hépérile, Paris, librairie Lutetia ,1953). Se reporter à l'ouvrage "Les 3 Cartier, du grand Louvre aux 3 Cartier", de la Fondation Cartier pour l'art contemporain, 1994. 




Pascal Vitali suit avec beaucoup d'attention l'aventure de l’invention de « l’Hypnagogoscope » (hypnose, sommeil, agôgos qui conduit et skopein, observer). Raymond Hains parlait « d’une sorte de vertige né du passage des lettres du lisible à l’illisible. Ce vertige visuel face aux déformations des mots, rejoint le plaisir éprouvé lorsqu’il assiste aux premières lectures de poèmes lettristes par Isidore Isou, François Dufrêne et Gabriel Pomerand.  

Photo  abstraite de Raymond Hains,
donnée à l'époque de sa première exposition chez
Colette Allendy

Œuvre offerte en 1950 à Pascal Vitali par Raymond Hains.
Cette œuvre est depuis 1998 au musée des Beaux-arts de Nantes







 Jacques Villeglé, depuis 1950, met au point le personnage de "Lacéré Anonyme" pour rassembler des œuvres collectées depuis octobre 1950 comportant des arrachages à thème politique et des petits formats dépourvus de lettres et de figures. Ces œuvres seront exposées dans l'appartement-atelier de Dufrêne en juin 1959, rue Vercingétorix. Dufrêne y intégrera quelque uns de ses "dessous d'affiches". Raymond Hains y apportera deux ou trois affiches au dernier moment.
Une rétrospective a été présentée en 2010 à la galerie Vallois à Paris (galerie vallois)

Œuvre intitulée "Rue Pierre Demours", janvier 1958, offerte par Jacques Villeglé à Pascal Vitali
François Dufrêne, poète phonétique, s'intéresse au principe des ultras-lettres. Ami de Yves Klein, il rencontre Raymond Hains et Jacques Villeglé avec lesquels il s'intéresse aux possibilités expressives de l'affiche lacérée par les passants anonymes. Il participe notamment avec César aux expositions des artistes du groupe des Nouveaux Réalistes. 
Dessous d'affiches (10x14 cm) offertes par François Dufrêne entre 1960 et 1962


"C'est à la poésie que depuis toujours,je me destinais et singulièrement à la poésie phonétique depuis 1946, poèmes lettristes, jusqu'en 53-54, puis, après rupture avec le Groupe, depuis 54 à aujourd'hui, CRIRYTHME "ultra-lettristes" (musique concrète vocale créée directement sans partition au magnétophone) ainsi que, parallèlement, des entreprises "infra-lettristes" comme le Tombeau de Pierre Larousse..Cependant, c'est le 2 février 1954 que je rencontrais Raymond Hains. Il me fit aussitôt connaître Jacques de La Villeglé, et je me liais rapidement d'amitié avec eux deux. Leurs activités de "ravisseurs" d'affiches lacérées par les passants anonymes, me laissaient, je dois dire, complètement indifférent (...) Du moins jusqu'en ce mois d'octobre 1957, date de leur première exposition chez Colette Allendy. C'est là que j'eus la révélation de ce pouvait être plastiquement le résultat d'une démarche qui, somme toute, m'avait paru tant soit  peu "littéraire". A la fin de la même année, voyaient le jours mes premiers Dos, Dessous, ou Envers d'affiches (...) François Dufrêne, Archi-Made, ENSBA, Paris 2005.

Soleil et vent, écho aux récits monosyllabiques

Camille Bryen et Jacques Villeglé

Cette série de 10 œuvres (sur 100) s'apparente aux récits monosyllabiques tels que les définissent Camille Bryen et Bernard Gheerbrant dans « L’anthologie de la poésie naturelle » (Paris, K éditeur, 1949). Ce texte est le premier manifeste d’une généralisation de la poésie à l’ensemble des expressions du langage et hors-langage.  « La poésie se doit de plus en plus de se mêler à la vie. La radio, le cinéma, le disque, ont déjà montrés qu’elle s’est échappée de la forme conformiste du livre. » 

















Série "Home"

Cette série comprend 100 planches huile couleur (10 représentées ici, 20x30 cm). 
Elle répond au propos de Raymond Hains selon lequel "nous sommes lancés de manière irrémédiable dans la recherche "at home". C'est comme ça que je fais, en voyant la vie d'une autre façon".